La présence en supervision à l'heure du distanciel

mardi 03 novembre 2020

Merci à Bernard Dubois, responsable du Pôle coaching SNCF pour son article LinkedIn très intéressant sur la qualité de présence du superviseur dans notre contexte actuel de travail en distanciel. Un beau défi pour le superviseur et le supervisé, apprenant, source de réflexivité. Voici son texte inspirant :

A l'heure où tout semble vouloir nous tenir à distance de l'autre, comme une résistance, je m'interroge sur ce que c'est qu'être en présence de l'autre ?

Etre au coté de l'autre, signifie qu'il y ait un autre comme sujet. Là où le plus souvent il n'est qu'un "cela", un objet. Mais en présence de l'autre, que devient le Je. Quelle place doit-il prendre ou laisser pour permettre la rencontre sans se perdre ou perdre la relation à cet autre ?

Aller à la rencontre de l’autre, c’est d’abord aller à la rencontre de soi mais se connaître c’est aussi se déprendre :

La célèbre injonction du temple de Delphes « Connais-toi toi-même et tu connaîtras Dieu et l’Univers » que Socrate - Platon ont rendu célèbre est source de malentendus. Dans notre époque où l’individu et la psychologie ont pris une place prépondérante, nombreux considèrent qu’il s’agit d’une invitation à connaître son identité « profonde ». D’autres la considère comme une invitation à connaitre sa nature profonde. Les premiers chercheront à affirmer leurs spécificités, les seconds à trouver ce qu’elles masquent. Dans les deux cas, nous aurons à repérer et comprendre nos comportements préférentiels, systèmes de croyances et valeurs.

Se déprendre : « Se connaître pour ne pas être pris, ni même surpris, par ce que l’on croit savoir de soi, de façon à pouvoir être dans une ouverture constante à l’expérience » (Rogers et Kinget : psychothérapie et relations humaines, p.119).

L’accompagnant vise à l’asepsie de lui-même, c’est un travail de décontamination. 

Il s’agit donc d’un travail de déconstruction identitaire qui passe par la prise de conscience de nos composantes identitaires, de déconstruction des cadres de référence (culturels, champs théoriques, …), ce qui nécessite leur analyse préalable. Ne doit être à l’œuvre que le vivant, le contact avec ce qui est là, en prise directe avec l’élan vital et la sécurité intérieure. L’identique (idem) a à céder la place à l’être (ipse).

Le parcours de mon année de formation à la supervision (IDSUP-Martine Volle- Isabelle ASSEMAN et l'équipe pédagogique que je remercie ici chalureusement) invitait à la réflexivité, à l'analyse, à la prise en compte des dimensions systémiques. Bref à développer la conscience de qui se passe pour soi et dans la relation mais elle a de plus ouvert à une approche holistique dans laquelle le superviseur est partie prenante du dispositif, où il apprend à se saisir du Kairos, à accéder à l'Insight car "L'homme est au monde, c'est dans le monde qu'il se connaît" (Merleau Ponty).

Mais comment mobiliser le processus d'actualisation qui permet aux supervisés de conduire des entretiens centrés sur la personne. L’emploi de l’infinitif « conduire » pourrait écarter la question du sujet. Pourtant la question est centrale. Si le superviseur conduit la supervision, si le supervisé conduit les entretiens, alors ? Quelle est la place pour la responsabilité du supervisé ou du client final ? Inversement si l’entretien est décentré car centré sur le client, qu’est-ce que conduire, voire qui conduit ? Dans une approche déterministe (comme celle de Freud), nous sommes conduits plus que nous ne conduisons. Pourtant, est-ce par élan vital, volonté de la volonté que nous voulons croire que nous pouvons conduire, fusse vers notre destin ?

Dans un travail d’accompagnement, je ne crois pas que la bonne métaphore soit celle du pilote et du co-pilote (l’un conduirait et l’autre tiendrait la carte), je crois plutôt que nous sommes comme dans un aviron sans barreur. Même si l'accompagnant est supposé élaborer une stratégie ou maitriser le processus, de fait les deux rament, les deux sont responsables de la Direction et aucun ne sait vraiment où il va. 

Et que (qui) désigne ici la personne. L’étymologie attribuée au verbe sonare serait fausse: Mais persona désigne bien le masque grec fait pour résonner, donner à entendre la parole, de celui qui, caché derrière son masque porte le texte de la dramaturgie ou de la comédie. Scène étrange, l’authenticité qui normalement définit le moment où l’on cesse de jouer est la condition sine qua none pour que la scène puisse se jouer. Que la Katharsis opère. La persona du superviseur s’efface pour signifier la considération inconditionnelle, sa présence la remplace mais il a à tenir son rôle pour que la scène se révèle. Il est personne et parce qu’il est personne, il peut être en présence de lui-même, des autres et représenter toutes les personnes.

Pour autant, il n’est pas absent ! :

« Se mettre en retrait, n'est pas une neutralité au sens scientifique du terme (ce qui ne réagit pas), c'est une neutralité bienveillante. En tant que coach, nous sommes certes un miroir tendu au coaché mais un miroir pensant, animé, d'où l'image de la glace sans tain. Être transparent pour notre interlocuteur ne veut pas dire être invisible (Grangier C. (2018), Les paradoxes du positionnement du coach ).

Cela vaut d’autant plus pour le superviseur. Alors ? Qu’est-ce qu’être en présence ?  

·        Entendre les contenus, les signifiants mais aussi les signifiés.

·        Être à l’écoute de tout ce qui passe et se passe (et parfois repasse).  

·        Être suffisamment attentif pour pouvoir s’en saisir lorsqu’il s’agit d’intuitions de résonances ou de reflets systémiques.  

·        Être suffisamment disponible pour en être saisi lorsqu’il s’agit de ressentis, d’émotions de perceptions (les siens ou ceux des supervisés ou des coachés). 

·        Suffisamment conscient pour faciliter l’élaboration, repérer ce qui se répète, nommer l’absent mais implicite quand c’est nécessaire, faire des hypothèses, restituer 

·        C’est être dans le Kairos ! Chronos avec sa vision linéaire des événements cède la place à l’instant qui contient tous les instants. Sentir le champ, en reconnaitre les formes.

Bernard Dubois.

Partagez cet article!

Téléphone

+ 33 (0)6 10 68 77 15

Localisation

Lille, Paris, International.
Siège social Lille.
Bureaux Lille : voir carte ici

CM Conseil - Coaching : Catherine Marissiaux © 2020 | Tous droits réservés